Coup de cœur ou coup de griffe : tous les matins, Marion Lagardère distribue ses bons points. Aujourd'hui, un pharmacien de 29 ans qui a monté une association pour redistribuer certains produits aux plus pauvres.
Sami Tayb-Boulahfa, 29 ans, docteur en pharmacie, est fondateur de l’association PHARMA solidaires, mise en lumière par la crise sanitaire qui s’éternise. Son obsession : récupérer les produits oubliés dans les tiroirs des officines ou presque périmés et destinés à être jetés. Tout y passe : échantillons de crème hydratante, gels douche, shampoing, pansements, les testeurs, les béquilles, les genouillères... Parce qu’au lieu de finir à la benne, tout ça peut servir à ceux qui ne franchissent pas les portes des pharmacies.
Des kits d'hygiène pour les sans-abri
Il a eu l’idée dès son premier remplacement en officine, choqué de découvrir le gaspillage. "On recevait des centaines d’échantillons par semaine, dit-il. Soit on les jetait, soit on les donnait aux gros clients, ceux qui repartent avec des paniers à 500 euros et qui n’en ont pas besoin, c’était absurde, ça n’avait pas de sens." Alors, sans le dire à son patron, il commence à faire des petits kits d’hygiène, quelques échantillons glissés dans des poches en plastique (crème, shampoing, dentifrice), le tout distribué ensuite dans la rue, à celles et ceux, sans abri, qu’il croisait en rentrant chez lui. C’était en mai 2019.
Entre temps, l’initiative personnelle est devenue une association, fondée avec deux amies pharmaciennes. Et puis, l’épidémie de Covid a tout accéléré. Les bénévoles ont afflué, collectes et distributions se sont multipliées, à Grenoble, Lyon, Paris. Pour du gel hydroalcoolique surtout… mais pas que. Il y a quelques jours, l’association a récupéré 30 tonnes de lait maternisé en allant directement sonner chez Danone.
Pas découragé par les échecs
Sami Tayb-Boulahfa est un acharné. Le premier à décrocher un doctorat dans sa famille. Avec un père ouvrier et une mère femme de ménage, il a grandi très loin de l’univers des blouses blanches, mais son rêve "c’était d’avoir un stéthoscope autour du cou." Alors après avoir raté deux fois sa première année de médecine et s’être réorienté vers la pharmacie, il s’est inscrit une troisième fois, un an avant d’obtenir son diplôme de pharmacien. Il a fait les deux en même temps. Et il a réussi. Aujourd’hui il est interne, il lui reste quatre ans avant d’avoir son stéthoscope. "Mais le sujet, ce n’est pas moi, explique-t-il. Le sujet c’est qu’il y a de plus en plus de personnes dans le besoin, et qu’on n’en parle pas." Face à ça, les petits échantillons peuvent paraître dérisoires. Mais ils ramènent un peu de dignité, de confiance à ceux qui les reçoivent, et au passage, un peu d’humanité dans notre nouveau monde covidé.
Marion Lagardère, Radio France publié le15/09/2020 à 11:02
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