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Pharma Solidaires

PORTRAIT - Un pharmacien solidaire et anti-gaspi

Sami Tayb-Boulahfa Étudiant en médecine

Ce docteur en pharmacie de 29 ans a fondé Pharmaciens solidaires, une association qui collecte des produits de parapharmacie périmés ou invendus afin de les offrir aux plus démunis.


Auteure: Jeanne Ferney (La Croix), le 09/09/2020

Lecture en 3 min.


Cela a commencé comme de menus larcins, presque rien. Employé comme remplaçant dans une pharmacie parisienne, Sami Tayb-Boulahfa commence à chiper des échantillons. Des crèmes hydratantes, des gels nettoyants, des produits de soin pour bébé… « On en recevait par cartons entiers, mais dès qu’ils arrivaient à péremption, on jetait tout sans se poser de questions », raconte le jeune homme. Il se met donc à constituer de « petits kits d’hygiène »qu’il donne à des personnes sans abri, « de façon informelle ». Puis il voit plus grand : et si, au lieu d’atterrir à la poubelle, les stocks de couches arrivés à expiration ou les produits de beauté chassés du marché par de nouveaux arrivants étaient récupérés et distribués à ceux qui en ont besoin ? Une solution écologique et solidaire dont il fera une association : Pharmaciens solidaires. Créée en mai 2019 avec deux autres pharmaciens, elle repose sur une dizaine de bénévoles, à Paris, dans la région lyonnaise et du côté de Chambéry, en Savoie, où lui-même a grandi.


Sami Tayb-Boulahfa a quitté le nid dès l’âge de 16 ans, son bac en poche, afin de suivre des études de médecine à Grenoble. Après avoir raté deux fois sa première année, il s’oriente vers la pharmacie, « un peu par dépit ». Quelques années plus tard, devenu docteur en pharmacie, il reprend une formation en médecine, à Paris cette fois, tout en effectuant des remplacements en pharmacie pour subvenir à ses besoins. « C’est à cette époque que je me suis rendu compte à quel point il y avait un gaspillage monstrueux, se souvient-il. On détruisait des lingettes pour bébé ou des gels douche sous prétexte qu’ils se périmaient, alors que cela pouvait encore servir. Je trouvais cela insupportable », confie ce jeune homme élégant, fines lunettes rondes sur le nez et costume impeccablement repassé.


En un an et demi d’existence, Pharmaciens solidaires est devenu un partenaire privilégié pour de nombreux acteurs sociaux implantés en Île-de-France. « Aurore, par exemple, est une association qui travaille notamment avec des personnes toxicomanes, pour lesquelles nous avons collecté beaucoup de pansements techniques dont les boîtes coûtent parfois jusqu’à 50 €. En principe, ils sont périmés, mais en réalité, il s’agit plutôt d’une date d’utilisation optimale, qui n’altère pas l’efficacité du produit », insiste Sami Tayb-Boulahfa, particulièrement sensible au sort des femmes isolées. « Nous récupérons souvent des masques pour les cheveux et du parfum. Cela peut sembler accessoire, mais prendre soin de soi, c’est aussi une façon de retrouver un peu de dignité. »


Son association a été particulièrement sollicitée durant le confinement, qui a vu les difficultés des plus précaires s’accroître. Grâce à un don de la pharmacie Delpech, dans le 6e arrondissement de Paris, son équipe a conditionné 30 litres de solution hydroalcoolique sous forme de flacons, distribués Porte de la Chapelle par l’ONG Humanity Diaspo. Mais c’est surtout sur le lait maternisé que des tensions se sont fait sentir, poussant Sami Tayb-Boulahfa à contacter Danone et Nestlé. Et à les convaincre de lui céder plusieurs tonnes de lait. « Ces marques sont déjà de gros donateurs, mais elles ont besoin de garantie, explique-t-il. Le fait que notre association soit gérée par trois pharmaciens, familiers des questions de traçabilité, les a rassurées, car cela signifie que nous sommes capables de rappeler des lots en cas de problème. »


Son autre cheval de bataille ? Les cannes et béquilles. « Là encore, le système est aberrant, enrage-t-il. Les pharmaciens sont très peu remboursés sur la location de ce matériel, quelque chose de l’ordre de 1 €. En revanche, si vous l’achetez, vous allez payer 12,20 € par canne, entièrement remboursés par la Sécurité sociale. Le pharmacien est donc gagnant, et vous aussi en apparence, sauf que vous allez vous retrouver à stocker une canne à la maison dont vous n’aurez probablement plus jamais l’utilité. »Sami Tayb-Boulahfa s’est d’ores et déjà associé à plusieurs pharmacies qui lui fournissent fauteuils roulants et attelles. « À terme, l’idée serait de monter une entreprise sociale et solidaire qui emploierait des personnes en réinsertion pour récupérer, nettoyer et reconditionner des dispositifs médicaux », expose-t-il.


Avant cela, l’association doit se structurer et trouver des locaux. Car pour l’heure, l’étudiant stocke une partie des produits dans son appartement parisien de 25 m2. « À un moment, je ne pouvais même plus ouvrir mon canapé-lit », s’amuse-t-il. « Aujourd’hui, nous sommes gracieusement hébergés par le Secours catholique, indique-t-il, mais nous recherchons un local pérenne. » À bon entendeur…

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